La France se positionne à l’avant-garde des transitions énergétiques avec son engagement vers l’hydrogène décarboné. Ce pivot pourrait non seulement répondre aux nécessités environnementales dictées par l’accord sur le climat mais aussi dynamiser un secteur industriel innovant et résilient.
La France a affirmé son engagement à produire 6,5 GW d’hydrogène décarboné d’ici 2030, avec un objectif augmenté à 10 GW en 2035. Ce plan inclut le développement d’environ 500 km de canalisations pour le transport d’hydrogène, reliés à des hubs industriels majeurs comme Fos-sur-mer, Dunkerque, Le Havre et la Vallée de la Chimie près de Lyon. L’initiative vise également à intensifier les infrastructures de ravitaillement, actuellement insuffisantes en France
Cet article vise à explorer les multiples dimensions de cette initiative, notamment ses implications économiques, technologiques et écologiques.
Sommaire
Contexte législatif et ambitions nationales
Dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, la France a fixé des objectifs ambitieux pour diminuer ses émissions de gaz à effet de serre et réduire sa consommation de combustibles fossiles. Le développement de l’hydrogène décarboné figure parmi les solutions privilégiées pour atteindre ces objectifs, en particulier dans les secteurs difficiles à décarboner.
Les investissements publics en soutien
Le gouvernement français a publié en septembre 2020 une stratégie nationale pour l’avancement de l’hydrogène décarboné qui inclut un investissement substantiel de 7.2 milliards d’euros d’ici 2030.
Ces fonds sont destinés à catalyser les efforts de recherche, de développement et de déploiement d’infrastructures nécessaires pour le transport d’hydrogène décarbonné.
- Plan de relance : 3.4 milliards d’euros entre 2020 et 2023
- Programme d’investissements d’avenir : environ 500 millions d’euros distribués entre l’État et les industriels
Technologies clés de l’hydrogène bas carbone
L’hydrogène bas carbone est au cœur de nombreuses stratégies pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 et pour transitionner vers une économie plus verte. Voyons d’abord quelles sont les technologies clés dans ce domaine, puis analysons la maturation du marché de l’hydrogène bas carbone.
Électrolyse de l’eau
L’électrolyse apparaît comme la technologie centrale permettant la production d’hydrogène décarboné. Ce procédé, qui sépare l’hydrogène de l’oxygène des molécules d’eau au moyen d’un courant électrique, est optimal lorsque l’électricité provient de sources renouvelables ou bas carbone.
Capture et utilisation du carbone (CCU)
La CCU est une approche complémentaire dans la production d’hydrogène bas carbone, surtout quand elle est combinée avec la réforme du gaz naturel. Elle permet de capturer le dioxyde de carbone émis durant le processus avant qu’il n’atteigne l’atmosphère.

Hydrogène vert à partir de sources renouvelables
L’hydrogène vert est produit en utilisant de l’énergie renouvelable pour alimenter l’électrolyse de l’eau. Son développement dépend fortement de la disponibilité et de l’abordabilité des énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire.
Maturation du marché de l’hydrogène décarboné
L’utilisation d’électricité verte pour l’électrolyse peut réduire significativement les émissions de CO2, jusqu’à 1.6 kg de Co2 par kg d’hydrogène produit, comparé aux 20 kg émis lorsqu’on utilise le mix électrique européen moyen.
Augmentation de la demande industrielle
Les industries lourdes telles que la chimie, l’acier et le raffinage augmentent leur demande en hydrogène bas carbone pour réduire leur empreinte carbone. Cette demande croissante stimule les investissements dans les technologies d’hydrogène et l’infrastructure nécessaire à sa distribution.
Politiques de soutien gouvernemental
De nombreux gouvernements ont mis en place des politiques favorisant le développement de l’hydrogène bas carbone. Ces politiques incluent des subventions, des incitations fiscales et des réglementations strictes sur les émissions de carbone.
Développement des infrastructures
Le développement des infrastructures, comme les stations de recharge pour les véhicules à hydrogène et les réseaux de pipelines pour le transport, est essentiel pour soutenir la croissance de ce marché. Les investissements dans ces infrastructures sont en hausse, signalant une maturation progressive du marché.
Un réseau industriel en développement
La chaîne de valeur de l’hydrogène en France bénéficie déjà d’un écosystème industriel complet, comprenant de nombreux acteurs allant de grandes entreprises industrielles à des startups dynamiques, favorisés par des partenariats public-privé.
De multiples expérimentations sont menées pour tester la viabilité et l’efficacité des technologies d’hydrogène décarboné, tant au niveau de la production que de l’utilisation finale dans les transports ou l’industrie.

Projet mosaHYc
Le projet mosaHYc est un réseau transfrontalier de transport d’hydrogène renouvelable et bas carbone entre la France et l’Allemagne. Ce réseau, qui est reconnu comme un « Projet d’intérêt commun » par l’Union européenne, est prévu pour une mise en service au second semestre 2027.
Il reliera des consommateurs industriels, comme ROGESA à Dillingen, à des producteurs d’hydrogène le long de son tracé. Ce réseau vise à transporter jusqu’à 50 000 tonnes d’hydrogène par an, principalement pour alimenter des procédés de production d’acier bas carbone.
Normand’Hy d’Air Liquide en Normandie.
Air Liquide joue un rôle de premier plan dans le bassin industriel normand avec son projet Normand’Hy, qui inclut un électrolyseur de 200 MW à Port-Jérôme. Ce projet est essentiel pour la stratégie de décarbonation de l’entreprise, qui inclut également la production d’hydrogène renouvelable pour des industries comme TotalEnergies en Normandie.
En collaboration avec d’autres industriels, Air Liquide prévoit de mettre en place des solutions de captage et de stockage du CO₂ à grande échelle.
Projet HyGreen Provence
HyGreen Provence est une initiative ambitieuse qui vise à créer la première zone d’hydrogène vert à grande échelle en France. Située en Provence, le projet prévoit de produire de l’hydrogène à partir de sources d’énergie renouvelable, notamment le solaire et l’éolien. Cette initiative est soutenue par plusieurs partenaires industriels et institutionnels locaux.
Le projet vise à intégrer totalement la production, le stockage et la distribution d’hydrogène renouvelable pour diverses applications industrielles et de mobilité. Il est conçu pour stimuler la transition énergétique dans la région et servir de modèle pour d’autres régions en Europe et au-delà.
Projet Jupiter 1000 à Fos-sur-Mer
Jupiter 1000 est le premier démonstrateur industriel français de conversion d’électricité en gaz (Power-to-Gas). Situé à Fos-sur-Mer, ce projet utilise l’électrolyse pour convertir l’énergie électrique en hydrogène et en méthane renouvelables. L’installation sert également de banc d’essai pour de nouvelles technologies dans ce domaine.
Ce projet vise à tester l’intégration de l’hydrogène dans le système énergétique national, en évaluant la faisabilité technique et économique de différentes technologies de Power-to-Gas. Jupiter 1000 contribue également à l’effort national pour réduire la dépendance aux combustibles fossiles et diminuer les émissions de gaz à effet de serre.
Projet H2V Normandy
H2V Normandy est un projet de grande envergure prévu pour construire une usine de production d’hydrogène vert à partir d’électrolyse de l’eau, alimentée exclusivement par des énergies renouvelables. Le projet est situé dans la région de Normandie, connue pour ses importantes installations industrielles.
L’usine a pour but de fournir de l’hydrogène à divers secteurs industriels, notamment la chimie et le raffinage, tout en soutenant la transition énergétique de la région. En outre, H2V Normandy entend jouer un rôle crucial dans la création d’un écosystème d’hydrogène vert en France.
Vers un futur propulsé par l’hydrogène
Les initiatives françaises autour de l’hydrogène décarboné montrent la voie vers une possible neutralité carbone. Avec les engagements appropriés en matière d’investissement, de recherche et de collaboration intersectorielle, l’hydrogène pourrait devenir un pilier de l’économie verte française, contribuant à un futur énergétique durable et responsable.
L’hydrogène décarboné n’est pas simplement une alternative énergétique ; il représente une opportunité de transformation profonde de notre société vers un modèle plus respectueux de l’environnement et économiquement viable.